Une autre étape des protagonistes de « l’histoire d’amour et de prions ».
Sonia Vallabh et Eric Minikel, les protagonistes d’une histoire d’amour et de prions, se battent toujours pour trouver un traitement efficace contre les maladies à prions. Il y a quelques mois, nous vous avons raconté comment ils avaient réussi à augmenter la survie d’une maladie à prions chez la souris grâce à l’utilisation d’oligonucléotides antisens, un résultat prometteur pour de futurs traitements. Cette fois, ils ont voulu aller plus loin : leur rêve est de prévenir la maladie avant qu’elle ne se déclare.
Bien que l’idéal serait de trouver un traitement efficace pour les personnes qui ont déjà commencé à présenter des symptômes de la maladie, Sonia et Enric sont réalistes sur ce point, car de nombreux médicaments qui se sont révélés efficaces sur des modèles murins agissent mieux lorsqu’ils sont administrés tôt. Pour que cela soit possible, il faut non seulement trouver un médicament utile, mais aussi le tester chez des personnes pré-symptomatiques qui, comme Sonia elle-même, sont porteuses d’une mutation du gène de la protéine prion et n’ont pas encore commencé à développer la maladie. C’est un problème car il s’agit d’une maladie imprévisible qui se manifeste à différents âges et seule une très petite partie de la population en souffre. Cette situation rend difficile de prouver qu’un médicament est responsable d’un retard dans l’apparition de la maladie à prion. C’est pourquoi il est nécessaire de mesurer un autre paramètre qui nous indique si le médicament a fonctionné ou non; c’est là que les biomarqueurs entrent en jeu.
Dans le cas des maladies à prions, le meilleur biomarqueur est la protéine prion elle-même. La quantité de protéine prion chez les patients peut être évaluée en la mesurant dans le liquide céphalo-rachidien. Comme il s’agit d’une protéine présente dans l’ensemble de la population, on s’attend à trouver des niveaux accrus de protéine prion chez les personnes qui vont souffrir de la maladie ou qui en sont déjà atteintes. Cependant, contre toute attente, de nombreuses études ont permis d’observer que les niveaux de protéine prion dans le liquide céphalo-rachidien sont réduits chez les personnes qui se trouvent dans la phase symptomatique de la maladie. Face à ce constat, Sonia et Eric ont mené un essai avec un double objectif : prévenir le développement de la maladie au niveau primaire et secondaire.
Un essai de prévention primaire dans le domaine des prions a pour objectif principal d’étudier les niveaux de protéines prions chez les personnes à risque de contracter une maladie génétique à prions. Pour ce faire, ils ont emmené les 43 participants à l’étude (27 porteurs et 16 sains) au Massachusetts General Hospital pour une première visite, une autre après 4 mois et une dernière visite après un an ou plus. Lors de toutes ces visites, ils ont prélevé du liquide céphalo-rachidien pour étudier les niveaux de protéines prions.
D’autre part, une étude de prévention secondaire vise à trouver des personnes qui, bien qu’asymptomatiques, présentent des signes d’un processus pathologique en coursEn termes médicaux, cette phase est appelée prodromique et représente la période pendant laquelle se développent les premiers symptômes qui précèdent le développement d’une maladie. Par conséquent, bien que l’objectif principal de l’étude ait été d’évaluer les niveaux de protéine prion, des analyses d’autres marqueurs présents dans le liquide céphalo-rachidien ont été effectuées. Ils ont étudié les niveaux de la protéine tau et de la chaîne légère des neurofilaments (NfL), deux protéines bien connues associées à la mort neuronale.
Le résultat le plus important de cette étude est que la concentration de la protéine prion dans le liquide céphalo-rachidien est restée stable dans le tempsCe résultat était indépendant du type de mutation présent chez les porteurs (P102L, D178M et E200K), ce qui indique que la déplétion de la protéine prion chez les patients symptomatiques ne s’est pas encore produite dans ce groupe de patients présymptomatiques. Il sera donc possible d’évaluer l’effet futur d’un médicament de manière beaucoup plus réaliste.
L’autre résultat clé de l’étude est qu’aucun effet prodromique n’a été observé chez les porteurs de la mutation. Autrement dit, les marqueurs neuronaux qu’ils ont étudiés (tau et NfL) ont conservé des valeurs indiscernables entre les porteurs et les sains. Cela signifie que, d’après ce qu’ils ont pu voir, les neurones des porteurs n’étaient pas encore malades, une situation qui se produit chez les patients présymptomatiques de la maladie d’Alzheimer ou de Huntington. La conséquence de cette observation est que, dans le cas des maladies à prions, il est peu probable de parvenir à un modèle de prévention secondaire permettant de suivre l’effet d’un médicament.
Ce n’est pas une mauvaise nouvelle ; au contraire, nous devons tirer deux conclusions positives. Sur le plan scientifique, cette étude nous indique que les efforts doivent se concentrer sur les essais portant sur la prévention primaire. En d’autres termes, lors de la conception des essais cliniques, il sera nécessaire de ne recruter que des patients porteurs et de surveiller les variations des taux de protéines prions.
Sur le plan personnel, les résultats d’Eric et Sonia indiquent que, pour autant qu’ils aient pu enquêter, il n’existe aucune dégénérescence pré-maladie que les patients ne remarquent pas. Selon les propres termes d’Eric, « si vous êtes porteur d’une mutation pour une maladie à prions, mais que vous n’avez encore développé aucun symptôme, votre cerveau est aussi sain que le jour de votre naissance. Cela signifie que nous avons la possibilité, voire l’obligation, de maintenir cette situation. »
Eric nous résume parfaitement les recherches, leurs motivations et ce que cela a signifié pour eux dans leur forum. En outre, l’article de recherche complet est désormais disponible sur le lien suivant.
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