Évaluation des cibles thérapeutiques à travers les variations génétiques humaines et leur application dans les maladies à prions
Les nouveaux candidats médicaments anti-prion échouent souvent en raison d’un manque d’efficacité chez les patients, malgré de bons résultats dans les études in vitro, en culture cellulaire et même dans les modèles animaux. Dans de nombreux cas, cela est dû au fait que la cible thérapeutique, c’est-à-dire la ou les molécules sur lesquelles les médicaments agissent pour exercer leur effet dans l’organisme, n’est pas liée à la cause de la maladie humaine à traiter.
Dans ce contexte, l’étude des gènes humains est une source d’information cruciale pour la sélection de nouvelles cibles thérapeutiques ayant une relation causale claire avec la maladie, permettant le développement de nouveaux médicaments. Ainsi, les candidats médicaments qui ciblent les gènes associés à une maladie humaine ont plus de chances d’être efficaces chez les patients et, par conséquent, plus de chances d’être approuvés.
Ainsi, l’identification des personnes présentant des variantes génétiques de perte de fonction (LoF, en anglais loss of function) aiderait à l’étude de l’effet des médicaments qui agissent sur ces gènes, bloquant leur fonction. La variante génétique de perte de fonction ou LoF désigne les gènes qui ont subi une modification naturelle et présentent une perte de fonction totale ou partielle, comme son nom l’indique. Ainsi, en connaissant le comportement d’une variante génétique LoF spécifique dans un gène humain, il serait possible de prédire l’effet d’un médicament qui annulerait la fonction de ce gène afin d’éviter de graves effets secondaires ou une maladie causée par celui-ci.
D’autre part, il convient de mentionner les variations génétiques du gain de fonction (GoF, en anglais gain of function). Dans ces variations génétiques, on observe une augmentation de la fonction d’un gène et, par conséquent, un rendement plus élevé du produit de ce gène. Dans le cas des prionopathies, nombre de ces maladies sont liées à une variante génétique GoF dans le gène de la protéine prion humaine, le gène PRNP, qui entraîne une production accrue de la protéine prion cellulaire, nécessaire au développement de ces maladies, augmentant ainsi la probabilité d’en souffrir. Dans ce contexte, le chercheur Eric Minikel et ses collaborateurs ont utilisé des bases de données de ces variants génétiques dans la stratégie qu’ils développent contre les maladies à prions. Rappelez que cette stratégie vise précisément à bloquer la fonction du gène PRNP grâce à des molécules appelées oligonucléotides antisens, ce qui permet d’éliminer totalement ou partiellement la protéine prion cellulaire. Ainsi, en utilisant des informations provenant de bases de données sur les variations génétiques, ces chercheurs ont constaté que la prévalence des variations génétiques du gène PRNP à l’origine des prionopathies est de 1 sur 50 000, et que celles-ci sont connues depuis trois décennies avec des milliers de cas identifiés. Cependant, la prévalence des variations génétiques de la LoF est de 1 sur 18 000, soit plus du double, et aucun cas de maladie liée à cette variation n’a été signalé. Ces données renforcent la validité de leur stratégie de blocage de la fonction du gène PRNP, puisque l’absence de cas de maladie associée à la perte de fonction de ce gène suggère qu’un tel blocage est sûr.