La recherche d’anticorps capables de bloquer la propagation des prions dans des échantillons de sang provenant de la population générale donne des résultats prometteurs.
Auteur: Sandra García
L’immunothérapie, plus précisément l’utilisation d’anticorps contre les protéines mal repliées ou les agrégats de protéines, a été largement étudiée comme traitement contre différentes maladies neurodégénératives. Bien que son efficacité fasse encore l’objet de débats et de controverses, il est prouvé que l’immunisation active (avec des vaccins qui amènent notre organisme à générer des anticorps) et l’immunisation passive (avec des anticorps directement injectés) désagrègent les amas de protéines, conférant ainsi une certaine protection, selon des études sur des modèles animaux. Dans ce sens, le groupe d’Adriano Aguzzi, de l’Hôpital Universitaire de Zurich, a publié une nouvelle étude sur le développement d’anticorps comme thérapie contre les maladies à prions. Dans ce travail, une recherche massive d’anticorps pouvant se lier à la protéine prion (PrP) a été effectuée. L’une des principales nouveautés de l’étude est qu’ils ont spécifiquement recherché des anticorps dirigés contre une région spécifique de la PrP, puisque dans des études précédentes, ils ont observé des problèmes de neurotoxicité associés à des anticorps se liant à d’autres régions.
Dans une première phase, ils ont utilisé une bibliothèque de bactériophages (virus qui infectent les bactéries) qui ont produit à leur surface un répertoire d’anticorps humains synthétiques (un échantillon de milliers d’anticorps différents qui pourraient exister chez l’homme), qui ont été testés avec différents fragments de PrP. Ils ont ainsi sélectionné un total de 22 anticorps qui se lient spécifiquement au site cible de la PrP.
Dans la deuxième phase, ils ont testé si les anticorps sélectionnés étaient toxiques pour les neurones ou s’ils étaient neuroprotecteurs comme prévu, en écartant ceux qui déclenchaient une réponse neurotoxique. Une fois que les anticorps ayant des effets néfastes ont été écartés, l’effet de ces anticorps sur la propagation des prions a été évalué. Dans ce test, seul un des anticorps précédemment détectés a montré la capacité d’inhiber significativement la propagation des prions.
Enfin, ils ont recherché un équivalent de cet anticorps détecté lors des 2 phases précédentes dans des échantillons de sang provenant de donneurs différents. L’objectif était de déterminer si les anticorps sélectionnés par le biais de bibliothèques ressemblaient à l’un des anticorps présents dans la nature et si ces derniers avaient également une activité antiprion. Bien qu’ils n’en aient trouvé aucun identique à celui détecté lors des premières phases, ils ont trouvé au moins quatre anticorps qui présentaient très peu de différences et qui pourraient donc avoir un effet protecteur contre les maladies à prions chez les personnes qui présentaient des taux élevés de ces anticorps.
Après avoir démontré que des anticorps protecteurs contre les prions pouvaient exister chez l’homme, ils ont choisi un grand groupe d’individus sélectionnés au hasard et ont testé leur sang pour détecter la présence d’anticorps qui se lient à la PrP. Sur les 37894 sélectionnés, 21 individus ont montré un nombre élevé d’anticorps se liant à la PrP humaine, c’est-à-dire que 0,06% des individus testés ont montré des niveaux élevés d’anticorps capables de se lier à la PrP. Aucun de ces patients ne présentait de signes de la maladie, ni de mutations du gène prion (PRNP) qui indiqueraient une maladie à prion latente ou active, malgré des taux d’anticorps élevés. Ces tests ont été répétés chez 3 des 21 individus pendant plus d’un an, montrant les mêmes niveaux d’anticorps, ce qui indique que ceux-ci sont stables dans le temps. En outre, les anticorps de ces personnes étaient capables de reconnaître différentes zones de la PrP, ce qui démontrerait, bien qu’avec une fréquence très faible, l’existence d’anticorps dirigés naturellement contre la protéine prion humaine.
Cette étude approfondie permet de conclure que les anticorps contre la PrP existent naturellement chez l’homme, bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour détecter des anticorps hautement spécifiques qui se lient à des régions très précises de la PrPSc, qui ne sont pas neurotoxiques et qui, en outre, possèdent une activité neuroprotectrice. L’étude révèle également que les personnes présentant des taux élevés d’anticorps contre la PrP ne souffrent pas de maladies auto-immunes. Ils pourraient donc constituer une stratégie thérapeutique sûre si des anticorps répondant à toutes les conditions susmentionnées sont détectés.
Comme le PrPSc a la même séquence d’acides aminés que le PrPC, un phénomène de tolérance du système immunitaire a été observé dans le cas des maladies à prions, ce qui rend la réponse immunitaire contre les prions très limitée, voire inexistante. La présence de taux élevés d’anticorps anti-PrP chez 0,06 % de la population, qui ne présente par ailleurs aucun signe de maladie à prions ou de problèmes auto-immuns, est donc surprenante. Cela peut s’expliquer par le fait que ces anticorps sont à l’état latent, la formation naissante de PrPSc étant celle qui induit la réponse immunitaire contre les prions qui, toutefois, en raison du vieillissement du système immunitaire, finiraient par développer une maladie à prions à un âge avancé.
Malgré tout, étant donné le manque de connaissances sur l’éventuelle réponse immunitaire contre les prions, et au vu des résultats obtenus dans cette étude, il est très intéressant de poursuivre les recherches dans le domaine de l’immunothérapie afin de découvrir de nouvelles stratégies thérapeutiques potentielles contre les maladies à prions.
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